Quatre solutions à la pénurie d’hygiénistes dentaires au Québec

Ce n’est pas nouveau, depuis cinq ans environ¹, les cliniques dentaires au Québec sont gourmandes en employés. Nous avons établi quelques raisons pouvant expliquer cette situation. Pour contrer la pénurie d’hygiénistes dentaires en particulier, quatre solutions existent présentement.

Le manque d’hygiénistes dentaires en cabinet peut s’expliquer par ces diverses raisons :

  • Le plein emploi que nous expérimentons depuis de nombreuses années – à l’exception des mois de confinement – a eu pour effet de permettre à une majorité de citoyens de prendre soin de leur bouche;
  • Le nombre de plus en plus élevé de personnes vieillissantes amène aussi son lot de défis dentaires;
  • Les hygiénistes dentaires sont aussi touché.es par le départ à la retraite ou en pré-retraite de la génération des babyboomers;
  • Les positions de travail dans cette profession amènent leur lot de blessures récurrentes (au cou, au dos, aux poignets, etc.);
  • Les conditions d’emploi dans certaines cliniques (pression, longues heures, horaire de soir ou instable, manque de reconnaissance, ennui causé par un travail routinier, etc.) motivent certain.es à quitter définitivement le domaine.

Pour visionner le reportage de Noovo info sur le sujet : Reportage Noovo info du 11 janvier 2023

Le programme en techniques d’hygiène dentaire étant contingenté,* comment faire pour amener davantage d’hygiénistes sur le marché du travail ?

* Un programme est contingenté lorsque le nombre d’étudiant.es admis est fixe. En ce qui concerne la technique d’hygiène dentaire, augmenter le nombre d’élèves par session impliquerait d’avoir suffisamment de places en salle opératoire au moment des stages. Or l’espace, l’équipement, les outils, tout cela coûte très cher et doit être déboursé par le cégep.

4 stratégies afin de contrer la pénurie d’hygiénistes dentaires au Québec :

  1. Désengorger les collèges des deux métropoles en informant les futur.es étudiant.es des possibilités de s’inscrire dans un cégep excentré;
  2. Encourager les nouveaux arrivants possédant déjà un bagage dentaire adéquat à s’inscrire à un AEC en techniques d’hygiène dentaire;
  3. Recruter en Suisse;
  4. S’assurer que le personnel en clinique est heureux.

 

1. Inciter les futures étudiant.es à suivre leur technique dans un cégep qui n’affiche pas complet à toutes les sessions. Parce que oui, ça existe.

Présentement, la formation technique, d’une durée de 3 ans à temps plein, incluant les stages, est donnée dans 9 cégeps de la province :

Sans surprise, ceux de la grande région métropolitaine et de la capitale affichent très souvent complets. Il reste donc les autres. Il faut encourager les futur.es étudiant.es à oser la région. Ne serait-ce que parce qu’elles ont aussi ont un criant besoin de personnel.

Mais faire ses études loin de sa famille – ou accompagné de sa famille – implique des sous. Pour ceux et celles qui ont le portefeuille moins garni, il existe une bourse « Parcours pour la mobilité étudiante ». Elle vise à aider financièrement les étudiant.es qui choisissent d’étudier dans un cégep éloigné de leur domicile. Une bourse annuelle de 7 500 $ par étudiant.e, pour la durée normale du programme d’études​, est versée aux étudiant.es admissibles.

Il faut être inscrit dans un programme offert dans un cégep reconnu par le Programme, c’est-à-dire situé à plus de 60 km de sa résidence. Cependant, si le programme d’études est offert dans un cégep admissible à moins de 60 km de la résidence, l’étudiant.e ne peut pas bénéficier de la bourse.

Les cégeps disponibles ET offrant le DEC en Techniques d’hygiène dentaire sont :

Les avantages

  • Permettre à plus d’étudiant.es d’obtenir le permis de l’OHDQ;
  • Encourager la découverte de la province (les « régions » honnêtement, c’est juste un autre beau coin du Québec);
  • Donner une chance aux cliniques de toute la province de combler plus facilement leur besoin en hygiénistes dentaires;
  • En ciblant Chicoutimi et Trois-Rivières, on peut obtenir une bourse !

Les désavantages

  • Il faut attendre trois ans avant de profiter de ces cohortes;
  • Quitter le foyer familial ou le déménager ailleurs n’est pas facile pour tous;
  • Le Cégep de l’Outaouais a été un malheureux oublié du programme des bourses.

Cependant, comme le mentionne Josée Gariépy, professeure et responsable de programme de THD au Cégep Garneau, « Nous n’avons pas de difficulté à combler nos groupes mais nous avons de la difficulté à conserver le nombre d’étudiants dans nos groupes. Nous acceptons 42 élèves par année et nous les avons toujours.  Nous constatons que notre problème est de conserver tous nos élèves. Si un élève subit un échec dans un cours ou trouve le programme trop exigeant, il peut abandonner facilement ou décider de faire le programme en 4 ans au lieu de 3. » Il est aisé de croire que cette problématique n’est pas exclusive au cégep Garneau.

Il est bon alors de rappeler « qu’une technique au cégep c’est un programme exigeant (25 à 29 heures de présence physique (théorie et laboratoire), en plus des heures de travail à la maison pour un total d’environ 40 heures par semaine pour un.e élève qui arrive du secondaire. » Sans oublier « les étudiant.es qui arrivent avec des plans d’intervention car ils ont des défis d’apprentissage, donc plus de difficultés à bien réussir tous les cours. »

À noter cependant, « pour un élève qui a déjà fait des études collégiales et qui aurait donc complété ses cours de base, on parle d’environ 18 à 20 heures de cours par semaine. »

 

2. Encourager les nouveaux arrivants possédant déjà un bagage dentaire adéquat à s’inscrire à un AEC en techniques d’hygiène dentaire

L’AEC en Techniques d’hygiène dentaire s’adresse aux dentistes formés à l’étranger (on entend par dentistes formés à l’étranger toute personne qui a reçu une formation en dentisterie ailleurs qu’au Canada). Il est d’une durée d’un an à temps plein (du lundi au samedi) et se donne pour le moment, exclusivement au Cégep de Saint-Hyacinthe. (À noter que tous les cégeps qui ont les installations peuvent aviser l’Ordre de leur souhait de donner cette formation.) Présentement, l’OHDQ reçoit une quarantaine de demandes par année aux équivalences.

Pour être admissible il faut, en plus de posséder une formation jugée suffisante :

  1. Être disponible pour étudier à temps plein à Saint-Hyacinthe;
  2. Avoir le statut de citoyen canadien, de résident permanent ou être reconnu réfugié politique;
  3. Détenir une évaluation comparative des études effectuées hors du Québec, délivrée par le ministère de l’Immigration et des Communautés culturelles (MICC);
  4. Détenir un avis d’équivalence partielle de l’Ordre des hygiénistes du Québec (OHDQ);
  5. Avoir été retenu à l’entrevue de sélection;
  6. Avoir réussi le test de français;
  7. Accepter de respecter le code de déontologie de l’Ordre des hygiénistes du Québec (OHDQ).

 

Les coûts sont pour la plupart défrayés par le gouvernement du Québec et les étudiants sont admissibles à un Programme d’aide financière pour la formation d’appoint en reconnaissance des compétences (PAFFARC).

Les avantages

  • On obtient son permis rapidement (au bout d’un an au lieu de trois pour le programme régulier);
  • L’hygiéniste est au Québec pour y rester, donc possibilité d’embauche à long terme.

Les désavantages

  • S’adresse uniquement aux dentistes immigrants;
  • C’est un horaire intense qui ne s’accorde pas à tous;
  • C’est un programme contingenté (On n’en sort pas. Pour bien faire, il faudrait qu’un autre collège offre l’AEC.);
  • L’AEC ne permet pas d’aller travailler en Suisse (si jamais l’hygiéniste en a envie, eh non, il faut passer par le DEC de trois ans).

 

3. Recruter en Suisse

Le très actif Ordre des Hygiénistes Dentaires du Québec (OHDQ) a réussi à faire signer avec la Suisse, un Arrangement de reconnaissance mutuelle des compétences. Celui-ci, une fois adopté, permettra aux hygiénistes suisses, moyennant quelques conditions (détenir un avis d’équivalence partielle, limite de pratique excluant l’orthodontie et la dentisterie opératoire, obtenir bien sûr un visa de travail), d’obtenir rapidement un permis de pratiquer au Québec. Il ne manque que l’adoption du règlement par le gouvernement. L’OHDQ espère que l’arrangement sera officialité avant décembre 2022.

Les avantages

  • Possible d’obtenir des hygiénistes expérimenté.es rapidement;
  • L’attrait de la nouveauté pourrait en attirer plusieurs au début.

Les désavantages

  • Il y a aussi une pénurie d’hygiénistes dentaires en Suisse… ;
  • Les hygiénistes iront naturellement vers le plus offrant, comme c’est déjà le cas avec les HD québécois.es;
  • Peut-être faudra-t-il accompagner la personne dans son processus d’obtention du visa de travail, qui peut prendre quelques mois, et probablement donner quelques assurances (promesse d’embauche par exemple);
  • Ce n’est pas nécessairement une embauche à long terme. En effet, la personne peut décider de travailler un an et retourner en Suisse.

 

4. S’assurer que le personnel en clinique est entendu et épanoui

À la base, on pourrait s’éviter bien des peines et des dépenses si on prenait le temps d’écouter notre personnel et de répondre autant que possible à leurs besoins. Salaires et avantages compétitifs, harmonie et respect dans l’équipe, reconnaissance, formations, etc. Sauf exceptions, un employé heureux reste à son emploi.

Les avantages

  • Rétention du personnel;
  • Diminution des coûts de recrutement;
  • Plus grande efficacité au quotidien;
  • Des employés heureux attirent les clients !

Les désavantages

  • Demande de l’ouverture, de la créativité et de la constance;
  • Peut exiger un investissement financier;
  • Il faut considérer se départir des irritants qui nuisent à l’harmonie de l’équipe.

 

En résumé, le problème de pénurie d’hygiéniste peut être atténué progressivement si :

  • Les potentiel.les étudiant.es en hygiène dentaire sont informé.es de toutes les options collégiales et des bourses à leur disposition, ainsi que des exigences du cours;
  • Les dentistes hors pays sont encouragés à suivre l’AEC, soutenus durant cette année d’études intenses et accueillis dans les cliniques dentaires à la sortie de l’école;
  • Une fois l’Arrangement adopté, les cliniques acceptent d’accompagner les hygiénistes suisses dans leur processus d’entrée au pays;
  • Enfin, les cliniques font un tour d’horizon honnête de leurs conditions de travail et s’ajustent en conséquence.

 

Et vous, quelles solutions voyez-vous à la pénurie d’hygiénistes dentaires au Québec ?

 

Septembre 2022

 

Sources :

https://ohdq.com/etudiants-et-candidats-a-la-profession/devenir-hygieniste-dentaire/programme-detudes/

https://www.quebec.ca/education/aide-financiere-aux-etudes/bourses-parcours-mobilite-etudiante

https://formationcontinuecegepsth.ca/programme/hygiene-dentaire-pour-les-dentistes-formes-a-letranger-aout-2021/#:~:text=Le%20programme%20d’AEC%20en,d’%C3%A9tudes%20coll%C3%A9giales%20et%20d%C3%A9sirant