Après 30 ans de militantisme, l’AADQ obligée de fermer

Le 31 mars, l’Association des assistantes dentaires du Québec (AADQ) cessera définitivement ses activités. C’est la fin de plus de trente ans de lobbying pour faire reconnaitre la valeur de ces travailleuses et travailleurs essentiels du domaine dentaire.

Qu’est-ce qui a mené à cette dure décision ? Comme elles l’ont souligné sur leur site web : « le but de l’Association a toujours été la reconnaissance professionnelle des assistantes dentaires. »

Le contexte menant à la fin

En effet, au fil des ans, l’AADQ a bataillé pour mieux réglementer cette profession et la rendre plus représentative des tâches réclamées en clinique. Malheureusement, bien que la formation offerte depuis plusieurs années concorde avec les besoins en clinique, la légalisation de ces gestes demeure aujourd’hui inexistante. Cela revient à dire qu’au Québec (puisque la législation diffère dans les autres provinces), les assistantes et assistants dentaires sont formés pour accomplir des actes illégaux. Et c’est sur ces personnes que repose l’opprobre lorsqu’elles sont « prises » en délit, quoique ces actes soient régulièrement demandés, voire exigés par leur employeur.

Pour régler la situation, l’Office des professions doit reconnaitre et légaliser les actes enseignés dans la formation en assistance dentaire et qui sont requis par les dentistes. Qu’est-ce qui freine cette reconnaissance ? Le fait que ces actes sont, pour le moment, réservés à un ou des ordres du domaine dentaire. Sans doute y a-t-il ici un peu de difficulté à accepter qu’une personne, même dûment formée, puisse, elle aussi, accomplir ces actes. Est-ce l’inquiétude de diminuer son impact sur le domaine dentaire ? En effet la crainte au niveau de la sécurité n’est pas pertinente à partir du moment où la personne est diplômée en ce sens et supervisée par le dentiste. Comme avec tout conflit, la solution réside souvent dans l’ouverture à l’autre et dans la communication.

Deux facteurs principaux pourraient expliquer la fin de l’AADQ

1. L’assistance dentaire, un poste négligeable ?

Sans aucun doute, la croyance parmi certains membres de l’équipe dentaire et des instances publiques impliquées, que l’assistance constitue un poste négligeable dans la clinique, sans études prestigieuses, que tout le monde peut pratiquer, avec ou sans diplôme, et dont le travailleur est facilement remplaçable. Peut-être même que des assistant.es adhèrent aussi à ces croyances ? Pourtant, si on compare le nombre d’heures d’études nécessaires pour obtenir un DEP en assistance dentaire au nombre nécessaire pour obtenir un DEC en Techniques d’hygiène dentaire (en excluant les cours de base obligatoires du cégep requis pour le DEC et non pour le DEP), seulement 300 heures les séparent, soit 1/6 du programme DEC :

DEP Assistance dentaire : 1500 heures

360 heures de stage en clinique dentaire

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DEC en technique d’hygiène dentaire : 1800 h soit environ 300 heures de plus

465 heures de stages intramurauxs soit environ trois semaines de stage de plus

Loin de nous l’idée de dénigrer la profession des hygiénistes dentaires, ni de quiconque dans une clinique. Il s’agit seulement de comprendre que la formation en assistance dentaire possède une longueur et une profondeur qui ont sans doute été sous-estimées.

2. L’inscription volontaire à l’AADQ

L’AADQ a toujours travaillé afin d’accompagner, de conseiller et de soutenir toutes les personnes diplômées en assistance dentaire. Ses représentantes sont demeurées fidèles à leur mission et déterminées à faire valoir la pertinence de cette profession. Cependant, l’inscription à l’association étant volontaire (contrairement à un ordre, par exemple), sa survie dépendait du nombre d’adhérents. Celle-ci a fluctué au fil des ans pour se tarir durant l’année 2020, année de la COVID19. Voilà sans doute la grande faiblesse de l’AADQ : les membres des ordres et des syndicats qui désirent travailler dans leur domaine n’ont pas la possibilité, eux, de refuser de payer leur cotisation.

Pourtant, l’argent des membres servait uniquement au fonctionnement de l’association et à l’embauche de spécialistes (lobbyiste, avocat, statisticien) dévoués à la cause première de l’AADQ. Faute de liquidité, d’inscriptions et de sang neuf dans ses rangs, la motivation et la capacité de son comité administratif, bénévole faut-il le répéter, ont fondu comme neige au soleil.

Conclusion

Nous tenions donc ici à remercier sincèrement chacune des représentantes de l’AADQ pour tout le travail de débroussaillage au niveau de la profession d’assistant.e dentaire qu’elles ont accompli au cours de ces années. Souvent, creuser la première ornière d’un chemin est ingrat : la piste est encore une simple idée, de lourdes pierres obstruent le passage et il suffit d’une pluie pour brouiller le sentier si durement tracé. Nous avons cependant confiance que l’apprentissage et la connaissance communiqués au cours de ces trente années de service perdureront. La voie que vous avez créée et entretenue, les chemins de traverse que vous avez bâtis entre les membres des cliniques, les signalisations que vous avez posées pour les assistant.es du Québec, tout cela existe et vous survivra.

En somme, si les cliniques dentaires visent à améliorer leurs services aux patients et leur rentabilité, elles ne pourront y parvenir sans reconnaître le rôle fondamental des assistant.es dentaires. Légaliser et valoriser leur travail est un investissement essentiel pour assurer le succès et la pérennité de toute clinique.